Cette petite femme déterminée de plus de 95 ans était sans conteste une grande dame du vin au parcours étonnant, presque surréaliste. Cette figure emblématique du Jurançon, retraitée dans les dernières années de sa vie du domaine Souch, avait commencé sa carrière de viticultrice à l’âge de 60 ans. Avec un sourire franc et une volonté de fer, elle s’est tournée vers le vin à une époque où d’autres prenaient leur retraite. Avec son mari René, journaliste local, elle tombe amoureuse au début des années 1980 d’une petite propriété à Laroin, à 300 mètres d’altitude et à quelques kilomètres de leur maison paloise, avec une vue impressionnante sur les Pyrénées et le Pic du Midi d’Ossau. Ils avaient décidé d’y planter des vignes, mais son mari ne voulait pas voir son rêve se réaliser. Yvonne a décidé de réaliser le projet seule. Avec l’aide de son fils Jean-René, il défriche et plante six hectares et demi de cépages indigènes, petit et gros manseng, petit courbu, sur ces coteaux aux sols argilo-calcaires et aux pentes raides non mécanisables, en au milieu d’une vingtaine d’hectares de forêt et de prairies. Elle emprunte de l’argent pour construire un chai et produit son premier vrai millésime en 1990 avec l’aide de deux jeunes vignerons, Emmanuel Jecker et Maxime Salharang (ce dernier a créé le Clos Larrouyat en 2011, également dans le Jurançon).
Elle décide rapidement de convertir son vignoble en viticulture biologique puis biodynamique à une époque où l’idée n’était guère à la mode, surtout sous le ciel pluvieux du Béarn. Elle a été pionnière dans la région grâce aux conseils de Paul Barre, viticulteur de Canon-Fronsac.
Le domaine acquiert rapidement une bonne réputation pour ses vins secs et surtout moelleux, délicats et frais. Elle a même acquis une notoriété supplémentaire en apparaissant dans le film controversé Mondovino de Jonathan Nossiter. En bonne autodidacte, Yvonne n’a jamais cessé de transmettre son savoir et de promouvoir des viticulteurs plus jeunes qu’elle. Epaulée par le maître de chai Emmanuel Jecker, arrivé à la propriété il y a plus de 30 ans, Souch est dirigée depuis quelques années par son fils.